Le Gbofé

 INFORMATION SUR LE Gbofé

 1- Définition du Gbofé

Le Gbofé est une expression musico-chorégraphique  dont la pratique repose sur quatre formations distinctes : les joueurs de trompes appelés gbofé hienlin, les chanteuses dénommées Kièlè, les danseurs nommés Yoor fèhèlè, et les tambourinaires, ping hienlin. L’ensemble que forme ces  quatre formations constitue les Gbofé hienlin, c’est-à-dire les joueurs de Gbofé, le Gbofé avec grand G, étant alors défini comme une entité musico-chorégraphique selon moi.

Le jeu des joueurs de trompes gbofé (gbofé avec petit g, qualifiant l’instrument, la trompe traversière selon moi) serait, d’après les villageois, traduit en langue tagbana par les chanteuses.  Leurs chants sont  mis en pas de danse par les Yoor fèhèlè, qui dansent sur les rythmes frénétiques du pindrè (tambour en forme de calice, à une membrane). Ce dernier est accompagné par le djomanhan (tambour cylindrique à deux membranes) qui soutient le pindrè sur  un rythme à deux temps.

Dans un langage plus familier, on pourrait dire que le Gbofé, est une musique et une danse pratiquée par les Tagbana. Il se retrouve dans toutes les régions de la Côte d’Ivoire, mais sous d’autres appellations. Si le gbofé en pays tagbana est fabriqué en bois, dans d’autres régions de la Côte d’Ivoire, il est fabriqué à partir « d’ivoire, en corne d’animal, en bronze, en fer… »  selon Hugo Zemp.

2- D’où vient-il ?

Selon les dépositaires du Gbofé d’Afounkaha, le Gbofé viendra de Koutiala, au Mali. Il fut son entrée en pays  sénoufo puis en pays tagbana, lors de la conquête de la région par Mory et Samory Touré.

Selon Traoré Otamnan, chef du village d’Afounkaha, « le Gbofé serait une forme d’expression musicale propre au grand groupe Sénoufo. Les Tagbana le pratiquent également parce que comme les autres communautés sénoufo, ils en sont héritiers. A la suite des guerres de Mory et Samory Touré (1885 -1890) au cours desquelles le peuple tagbana s’est dispersé, le Gbofé s’est progressivement éteint et ses caractères originels ont été perdus. Les anciens qui ont survécu à cette catastrophe ont essayé de le rétablir, mais ce fut peine perdue ».

Longtemps après, des génies auraient, par le truchement d’un songe, demandé à Ouattara Pétahaman (fils du pays tagbana devenu  père  créateur du Gbofé pour avoir eu le songe) de reprendre le Gbofé. Leurs propos auraient été les suivants : « Va dans la brousse, recueille des racines du nangran-an (arbre à partir duquel sont extraits les racines qui servent à la fabrication de trompes) et fais avec celles-ci des gbofé. Prends les troncs du fitioo (arbre à partir duquel on fabrique les tambours de Gbofé), pour la fabrication des tambours.  Rassemble ensuite des femmes, apprends leur les chants que nous t’avons enseigné, puis aux jeunes gens, le Gbofé yoor (danse du Gbofé) ».

Ces recommandations furent suivies à la lettre par Pétahaman et le Gbofé renaquit de ses cendres tant dans sa facture, que dans son exécution.

3- A quoi sert-il ?

           Les thèmes chantés dans le Gbofé  sont : l’amour, la louange, la guerre, la trahison, le courage… Au vu des thèmes chantés par les femmes, le Gbofé sert à l’éducation de la population, de la jeunesse en particulier, à la culture et de la paix et de la cohésion sociale entre les communautés, entre le peuple. Elle permet aussi la réjouissance  du peuple, la célébration des décès, des mariages, des baptêmes…

Jadis musique et danse sacrée, le Gbofé est progressivement devenu une musique de grands événements gardant  de cette manière son caractère « sacré », son caractère de « musique réservée aux élites » selon les dépositaires du Gbofé. Il  se produit lorsqu’on l’on veut accueillir une grande personnalité, quand on veut accompagner dans sa dernière demeure une grande autorité, ou un des Gbofé hienlin décédé …

4- Qu’ai-je fais  pour le Gbofé sur le plan national et international en lien avec l’Unesco ?

En 1998, après des études à l’INSAAC (Institut Nationale Supérieur des Arts et de l’Action Culturelle) soldée par le diplôme d’Etude supérieur artistique (DESA), où elle je suis  sortie première de promotion avec la mention très bien,  j’ai suivi des études à l’Université Félix Houphouët  Boigny. Ces dernières ce sont clôturées par une maitrise en musique et musicologie avec la mention très bien.

Mais, toujours en quête de mieux, j’ai soumis mon mémoire au concours «  chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité ». Cette étude scientifique sur le Gbofé d’Afounkaha que j’ai mené a donné à la Côte d’Ivoire,   d’obtenir pour la première fois dans son histoire, une distinction internationale  dans le domaine de la culture, de l’éducation et de la recherche scientifique : celle de voir  le Gbofé d’Afounkaha  proclamé « chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’Humanité » par l’Unesco en 2001.

Sur le plan national, mes travaux de recherche sur le Gbofé d’Afounkaha ont permis à cette forme d’expression musicale, jadis en voie de disparition, de renaitre ; C’est-à-dire d’être à nouveau pratiquée dans la région du Hambol. Car en 1998, seulement le village d’Afounkaha le pratiquait. Aujourd’hui, le Gbofé de Katiola a été remis sur pied par les  Gbofé hienlin d’Afounkaha qui ont enseigné leur savoir à ceux de Katiola et de d’autres villes et villages du département de Katiola. Pour l’année 2017, j’envisage organiser le Festival des Gbofé dans le département de Katiola.

En ce qui concerne les autres régions ivoiriennes, les musiques de trompes sont aujourd’hui, à l’issu de mes travaux, objet de documentaires télé réalisés et diffusés par la RTI (Radio-Télévision-Ivoirienne). On pourrait dire que les musiques de trompes de Côte d’Ivoire  bénéficient, après cette proclamation sur le Gbofé d’Afounkaha, musique de trompes traversières en pays tagbana, d’une promotion au plan nationale par le biais des média. Elle bénéficie aussi d’une revitalisation dans les communautés pratiquant les musiques de trompes en Côte d’Ivoire.

Au plan international, mes travaux de recherche sur le Gbofé d’Afounkaha, ont fait connaitre cette forme d’expression musico-chorégraphique au monde entier. Cette découverte du Gbofé par le monde, a attiré des touristes et des chercheurs à Afounkaha, village situé dans la commune de Fronan. Elle  a déclenché un tourisme autour de cette musique, bien que celui-ci soit  encore timide. Elle a suscité le développement des métiers artisanaux autour du Gbofé : la sculpture des trompes gbofé, la fabrication des tambours, le tissage des pagnes portés par les chanteuses et les danseurs de Gbofé…